Webdocumentaire ?
En 2003, lorsque Jean-Christophe Rampal, Marc Fernandez et moi-même abordons l’idée de traiter ensemble l’affaire des mortes de Juarez sur le web, nous employons immédiatement l’expression Webdocumentaire. Ce néologisme nous semble tout à fait naturel. Mais que signifie t-il exactement ? Explications et retour sur mes motivations.
Il me semble que la notion de web documentaire est apparue à la suite du festival organisé par Arte et le Centre Georges Pompidou en décembre 2002. "C'est un documentaire travaillé avec les outils multimédia, textes, images, vidéos, une manière de mettre les nouvelles technologies au service de la connaissance et d'un point de vue." peut-on encore lire sur la présentation de la manifestation. Lacitedesmortes.net s'inscrit à 100% dans cette définition. Mais pas seulement.
Bonus, Web inédit, complément du livre, programme engagé
Au fur et à mesure que j’explore le sujet, Jean-Christophe et Marc avancent sur leur livre. Et petit à petit l’idée d’une forme éditoriale nouvelle, véritable complément du livre vient s’ajouter à la notion de Webdocumentaire. En effet, à la lecture du manuscrit s’impose l’envie de sentir la ville, de mettre un visage sur les protagonistes, d’entendre les voix de ceux qui osent parler, de rendre hommage à ces jeunes femmes. A ce moment le projet de documentaire sur Canal+ n’existe pas. Et nous pensons donc que nos sources images, vidéo et son mixés de manière interactive vont apporter au livre une dimension vraiment nouvelle. Aussi lorsque Canal+ entre dans la partie, le projet prend une autre tournure. L’aspect documentaire est traité désormais par des professionnels. Le site va alors basculer encore un peu plus dans la notion de complément livre / site.
Flashback
A la fin de l’aventure presidentielles.net en 2002, j’ai rencontré les responsables du CNC Multimédia, j’ai interviewé des responsables de portails français et lancé quelques appels vers des auteurs qui souhaiteraient considérer le web comme un terrain propice à la production de programmes Internet grand public. A savoir : l'internaute grand public est-il prêt à voir et cliquer sur des contenus fabriqués par / pour et avec le Web qui véhiculeraient des émotions et des messages proche de ceux véhiculés par le cinéma ou le documentaire ? J’étais à cette époque convaincu que sur Internet on peut faire passer des émotions. Et je le suis toujours, évidemment. Lacitedesmortes.net est de mon point de vue de producteur, le programme le plus représentatif de ce mix contenu / émotion. Il me semble important que sur Internet aussi, des programmes reflètent ce qu’est notre monde. Il me semble important que cette nouvelle forme de Webdocumentaire apporte aux internautes ce que le documentaire apporte aux téléspectateurs : un regard éclairé sur le monde, et une mise en perspective d’éléments nous permettant de mieux comprendre les enjeux de notre quotidien.
Avec l’interactivité en plus. Nous savons qu’Internet ne permet pas encore de financer ce genre de programme. Mais je reste persuadé que ce média interactif apportera bientôt de plus en plus d’informations, de plus en plus de programmes, vers des audiences de plus en plus importantes. Le haut débit nous amènera sans doute demain à aborder, dans le cadre de nouvelles offres de programmes de télévision interactive, des sujets qui devront être construit pour, et avec, les internautes-téléspectateurs. Il est donc essentiel que des producteurs « spécialisés » commencent à définir de telles offres de programme.
Vision altérée ?
La question du point de vue inhérente à la notion de documentaire, soulève quelques interrogations. Après avoir passé 20 minutes sur lacitedesmortes.net avez-vous réussi à dégager un point de vue clair ? A voir. Peut-être faut-il chercher dans ce trouble la nature même de l'affaire. Peut-être le livre est-il un complément indispensable. Sauf que. L’enjeu fort du site est peut-être à chercher dans la prise de conscience. Pour nous, la valeur du programme tient beaucoup dans notre volonté de porter à la connaissance du public ce terrible drame. De plus, à l'heure où la majorité des programmes télé sont téléguidés et formatés, nous aimons l'idée que la consultation du programme amène à la curiosité, à la recherche personnelle.
Explorer les typologies de contenu
Poursuivons la comparaison avec la définition précédemment citée, et commentons "c'est un documentaire travaillé avec les outils multimédia, textes, images, vidéos, une manière de mettre les nouvelles technologies au service de la connaissance".
Les modules radio, photo et vidéos sont 3 exemples de cet adage. La radio au delà de la métaphore graphique qu'elle représente, est une démarche poussée de mise en scène d'un contenu audio. Pour la vidéo, nous avons souhaité faire en sorte que coté utilisateur tout soit transparent afin de préserver au maximum l'émotion de l'hommage notamment. Pas de cadre de vidéo, pas de plug-in, pas de téléchargement. Pour les photos, l'idée de proposer un diaporama basé sur le photoreportage nous a semblé renforcer l'aspect documentaire. Notamment avec l'idée de présenter chaque scène sous 3 angles de vue différents. Enfin la carte. Fabriquée avec des images de Google Earth, cette carte est certainement le programme le plus prometteur pour l'avenir. La cartographie liée à l'interactivité ouvre des voies vraiment intéressantes. Nous sommes conscients de ne pas avoir eu le temps de les explorer au maximum. La prochaine fois peut-être.
Alexandre Brachet - producteur
alexandre [at] upian.com
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